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Interview

Jacques de Peretti : Epargne retraite : « Le projet du gouvernement ne coche pas les cases d'un revenu garanti à vie »

Jacques de Peretti, le PDG d'AXA, juge « complètement inadaptée » la proposition actuelle de réforme retraite mise sur la table par le gouvernement. « Il n'est pas dans l'intérêt des retraités de favoriser une sortie en capital », met-il en garde.

Jacques de Peretti, PDG d'AXA France
Jacques de Peretti, PDG d'AXA France (Romain BEURRIER/REA)

Par Laurent Thévenin, Guillaume Maujean, François Vidal

Publié le 17 avr. 2018 à 16:26Mis à jour le 18 avr. 2018 à 10:06

Alors que le prochain projet de loi sur les entreprises baptisé « Pacte » doit réformer l'épargne retraite en France afin de la rendre plus attractive, les assureurs n'ont pas réussi à imposer leur vision. Jacques de Peretti, le PDG d'AXA France, monte au créneau pour défendre la nécessité de verser sous forme de rentes viagères les sommes accumulées par les épargnants.

Comment accueillez-vous le projet de réforme de l'épargne retraite voulue par le gouvernement ?

L'objectif de départ est louable, mais la proposition est, elle, complètement inadaptée. La nécessité pour les Français de compléter leur retraite de base ne va cesser de s'accroître, et il faut donc favoriser le développement de la retraite supplémentaire. Le taux de remplacement, c'est-à-dire le rapport entre le montant de la pension et le dernier salaire, baisse en effet continuellement pour les cadres comme pour les non-cadres.

Selon une étude récente, les trois quarts des Français savent que leur retraite ne sera pas suffisante pour couvrir leurs besoins. Si on ajoute l'allongement de la durée de la vie, ils vont avoir besoin de ressources pour encore plus longtemps. Les Français doivent donc avoir la possibilité de se constituer un complément de revenu à vie. C'est ce que permettent les produits d'épargne-retraite qui versent des rentes viagères. Je ne pense pas qu'il soit dans l'intérêt des retraités de favoriser une sortie en capital.

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En quoi est-ce une mauvaise idée, selon vous ?

Cela change la nature même du produit retraite, qui devient un simple produit d'épargne à disponibilité différée. Surtout, c'est mettre les Français dans une situation de risque considérable ! A soixante-cinq ans, vous avez généralement une mauvaise appréciation du nombre d'années qu'il vous reste encore à vivre. Si l'on vous verse un capital en une seule fois à votre départ à la retraite et que vous le gérez mal, il risque donc de ne pas être suffisant.

Les rentes, c'est la meilleure protection contre ce risque. On le voit dans un autre domaine, celui de l'indemnisation des victimes d'accidents corporels. Les tribunaux exigent que nous mettions en place une rente viagère, plutôt que le versement d'un capital. Et c'est d'ailleurs ce que la profession de l'assurance avait préconisé dans un livre blanc il y a dix ans sur la base de certains critères.

Mais n'y a-t-il pas un frein culturel chez les épargnants vis-à-vis des rentes ?Sans doute. Par rapport à d'autres pays, la sortie en rente viagère n'est pas l'option préférée des Français.

Cela explique l'encours relativement modeste des produits de retraite supplémentaire ?

Les différents produits d'épargne-retraite ne représentent effectivement qu'à peine 5 % des cotisations totales de retraite. Mais il faut bien voir que ce sont dans l'ensemble des produits encore relativement jeunes. Le Madelin date de 1995 et le Perp (plan d'épargne retraite populaire) de 2003. Néanmoins, la collecte sur ces produits progresse de plus de 10 % par an.

Soutenez-vous la proposition de la Fédération française de l'assurance de créer un produit d'épargne-retraite universel ?

A 100 % ! Le système actuel des produits d'épargne retraite est illisible, avec des conditions de déblocage des fonds qui ne sont pas les mêmes d'un dispositif à l'autre. Il serait donc souhaitable d'avoir un seul et même contrat d'épargne retraite que vous soyez travailleur non salarié, souscripteur à titre individuel ou salarié d'une grande entreprise qui a mis en place un contrat article 83.

Il faut aussi que ce contrat soit portable, c'est-à-dire que les sommes accumulées puissent être transférées d'un dispositif à l'autre sans pénalités. Enfin, nous devons donner régulièrement la possibilité à nos clients de changer d'assureur et de faire jouer la concurrence. Il est surtout de notre devoir d'offrir un revenu de remplacement garanti à vie, avec donc une sortie en rentes.

Cette proposition ne semble pas avoir été entendue par le gouvernement…

Je suis convaincu que le bon sens va finir par l'emporter. Car le projet actuel du gouvernement ne coche pas les cases d'un revenu garanti à vie, de la sécurité pour les épargnants et d'un meilleur financement de l'économie. Si aujourd'hui chez AXA, nous pouvons avoir une part action deux fois plus importante dans nos produits d'épargne-retraite que dans l'assurance-vie, c'est parce que la durée du produit est beaucoup plus longue, avec une phase d'accumulation de vingt ans en moyenne et une phase de désaccumulation elle aussi d'une vingtaine d'années. Avec un produit qui permet une sortie en capital à l'âge de la retraite, l'horizon de placement, et donc la prise de risque, ne peut pas être le même.

Dans les discussions sur le projet de loi Pacte, les assureurs ne se sont-ils pas trop focalisés sur l'assurance-vie et moins sur l'épargne-retraite ?

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Nous avons effectivement beaucoup travaillé sur l'assurance-vie avec les pouvoirs publics pour permettre un meilleur développement de l'eurocroissance, qui ouvre une voie intermédiaire entre les fonds euros et les unités de compte. Le travail sur l'épargne-retraite est très récent. Mais il est encore temps de faire une réforme qui en vaille la peine.

Guillaume Maujean, Laurent Thévenin et François Vidal

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