Chronique « Matières premières ». Quand le temps est pourri, l’agriculteur reste à l’abri. Cela aurait pu être le dicton du début de l’année dans une grande partie de la France. En particulier dans le nord. Les semoirs ont été mis sous l’éteignoir. Retour du grand soleil et tout s’éveille. L’activité bat son plein dans les champs. Dans quelques jours, les semis de betterave seront achevés. Enfin.
« Nous avons trois semaines de retard par rapport à une année normale », affirme Timothé Masson, de la Confédération générale des planteurs de betteraves. Même si rien n’est joué, Dame Météo ayant les dés en main, cela peut être dommageable. « La probabilité d’un très bon rendement est plus faible », ajoute-t-il. Verdict à l’automne.
Ce retard à l’allumage n’est pas le seul souci des agriculteurs. Le climat n’est guère plus radieux en Bourse. Les cours du sucre n’ont cessé de fondre. A New York, les spéculateurs ont fait perdre près de 20 % de sa valeur à la poudre blanche depuis janvier, signant ainsi l’une des moins bonnes performances du marché des matières premières. Or, elle avait déjà été dépréciée d’autant en 2017. Résultat, elle tutoie la barre des 12 cents la livre. Vendredi 20 avril, elle se négociait à 11,87 cents la livre.
Une véritable déconfiture pour le sucre. Il souffre de l’obésité de ses stocks. En Inde, en Thaïlande comme au Brésil, les récoltes ont été nourries. Au moment même où l’Europe ouvrait les vannes, avec la fin des quotas sucriers, décrétée le 1er octobre 2017.
« Le prix est à la cave »
Les grands sucriers européens, les coopératives françaises Tereos et Cristal Union comme les allemands Südzucker et Nordzucker, ont incité les agriculteurs à planter à tour de bras. En France, les champs de betteraves se sont étendus de 20 %.
Ajoutez un rendement quasi historique et vous obtenez une production record : 21 millions de tonnes de sucre en Europe, dont 6,3 millions en France. De quoi exporter, selon le vœu des sucriers. Mais, comme le note M. Masson, « exporter n’est pas une fin en soi, tout dépend du prix ».
Or, prix et partage de la valeur animent les débats au sein de la filière. Au moment où les députés scrutent le projet de loi sur l’équilibre commercial dans l’agroalimentaire. Les planteurs ne veulent pas que d’autres se sucrent sur leur dos. « Nous comprenons que le prix du sucre est à la cave, mais nous ne voulons pas être la variable d’ajustement, quand notre prix de revient est de 25 euros la tonne. Nous devons bénéficier des gains de productivité des sucriers », déclare Dominique Fievez, président de l’Association syndicale betteravière de la Somme.
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