Les conséquences aux États-Unis des mesures protectionnistes décrétées par l'administration Trump ont fait la manchette toute la semaine dans les médias américains, alors qu'approche l'échéance en ce qui concerne l'application des tarifs sur l'acier et l'aluminium canadiens, fixée au 30 avril.

OLIGARQUES RUSSES SANCTIONNÉS  

Le marché de l'aluminium, en particulier, est agité de nouveaux soubresauts, signale Jean Simard, de l'Association de l'aluminium du Canada, avec les sanctions américaines annoncées il y a deux semaines contre sept oligarques russes, dont Oleg Deripaska, qui contrôle avec Rusal 100 % de la production russe, et donc 10 % de la production mondiale. Un facteur de plus qui a fait augmenter le coût de l'aluminium pour le secteur manufacturier : Rusal exportait 800 000 tonnes annuellement aux États-Unis. « Aux États-Unis, 30 000 entreprises se sont mobilisées pour arrêter tout ça, dit M. Simard. Les gens disent qu'on va commencer à avoir des fermetures, qu'il ne faut pas imposer des tarifs [contre le Canada]. »

HAUSSES DE COÛTS

Les entreprises partout aux États-Unis notent des hausses significatives pour les produits d'acier et d'aluminium, rapporte le Wall Street Journal dans son numéro du 18 avril. Une firme se plaint qu'un type de feuille d'aluminium n'est plus fabriqué qu'en Chine et que son prix a triplé. « Ces tarifs détruisent des emplois manufacturiers bien payés », a déclaré cette entreprise de Boston. Une autre de la région de Minneapolis, fabriquant des camions-remorques, se plaint de ne pas pouvoir augmenter ses prix aussi rapidement que ses coûts de matières premières. La Réserve fédérale de Philadelphie note que 59 % des manufacturiers sondés ont rapporté des hausses de coûts des matières premières en avril, la proportion la plus élevée depuis mars 2011. Un autre indice, représentant le prix réellement payé par les manufacturiers, est à son plus haut depuis mai 2008.

DES PETITS FABRICANTS TOUCHÉS

Le site Politico fait lui aussi état de difficultés chez les consommateurs d'acier et d'aluminium. Qualtek, un fabricant de pièces pour l'aérospatiale et les appareils médicaux, avait prévu faire des embauches cette année. Mais ses coûts ont augmenté de 300 000 $ sur ses commandes déjà en marche, ce qui compromet ses investissements d'expansion. « Nos intrants les plus importants sont l'acier et l'aluminium », affirme le dirigeant de l'entreprise. Termax, un fabricant de pièces pour le secteur automobile, affirme que ses coûts ont augmenté de 30 ou 40 %, rapporte aussi Politico.

DES AGRICULTEURS INQUIETS

Le New York Times a aussi publié le 18 avril un dossier sur le secteur agricole, aux prises avec les représailles annoncées par la Chine et les risques de disparition de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Dans plusieurs États où des sièges du Congrès pourraient changer de mains l'automne prochain, les inquiétudes des agriculteurs dominent la conversation. Et des représentants et sénateurs républicains sentent la pression. « La Chine sait qui a élu Donald Trump », a lancé un fermier du Kansas, Bob Henry, au sujet de la stratégie de la Chine dans le choix des denrées américaines qu'elle veut taxer, dont le soja.

DES CONSERVES PLUS CHÈRES

Le réseau de radio publique NPR a ajouté son grain de sel, le 19 avril, avec un reportage sur les difficultés d'une conserverie de Californie, Pacific Coast Producers, qui doit maintenant s'ajuster aux tarifs de 25 % sur l'acier et de 10 % sur l'aluminium. L'acier des boîtes de conserve (acier doux recouvert d'étain, ou fer blanc) n'est pratiquement plus fabriqué aux États-Unis. Il est importé du Japon ou d'Europe. La hausse du tarif sur l'acier représenterait 70 % de sa marge bénéficiaire. Et favorisera les importations de fruits en boîte... chinois, note le président de l'entreprise, Dan Vincent. Au détriment des maraîchers californiens, qui livrent chaque année 700 000 tonnes de fruits à Pacific Coast Producers. Le même jour, la Réserve fédérale de New York a publié une recherche concluant que les mesures protectionnistes de l'administration Trump vont « probablement produire une baisse nette de l'emploi, au moins à moyen terme ». Les utilisateurs d'acier et d'aluminium « devront augmenter leurs prix ou absorber la hausse, ce qui les rendra moins concurrentiels face aux importations ».

UNE ARMADA DE SORGO CHANGE DE CAP

Pendant ce temps, sur le Pacifique, une « armada de sorgo » en provenance des États-Unis a fait demi-tour, rapportait Reuters, toujours le 19 avril. La céréale, surtout utilisée comme fourrage, était destinée à la Chine. Les navires, au nombre de cinq et affrétés par les géants Cargill et ADM, ont changé de cap dans les heures qui ont suivi l'annonce par la Chine d'un tarif anti-dumping sur le sorgo américain. Cette annonce fait partie de l'escalade de la guerre commerciale que se livrent les États-Unis et la Chine.