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Présidentielle en Colombie, les ex-rebelles inquiets pour la paix

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PRÉSIDENTIELLE EN COLOMBIE, LES EX-REBELLES INQUIETS POUR LA PAIX
Cesar Gonzalez (photo) est fier de faire visiter sa cabane au toit de tôle, blottie dans les collines près de la ville d'Icononzo, dans le centre de la Colombie. /Photo prise le 6 juin 2018/REUTERS/Luis Jaime Acosta
Luis Jaime Acosta

par Helen Murphy et Luis Jaime Acosta

ICONONZO, Colombie (Reuters) - Cesar Gonzalez est fier de faire visiter sa cabane au toit de tôle, blottie dans les collines près de la ville d'Icononzo, dans le centre de la Colombie. Du linge sèche le long d'un mur, des boîtes de café et de sucre s'alignent sur des étagères. Dans la pièce, deux lits, une cuisinière à gaz et un réfrigérateur.

Il y a deux ans, Cesar vivait dans la jungle. Guérillero des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), mouvement marxiste en guerre depuis cinq décennies contre le gouvernement de Bogota, il dormait sur un tas de feuilles, protégé de la pluie par une bâche en plastique. Il ne se séparait jamais de son fusil d'assaut AK-47.

Comme 12.000 de ses camarades, il a déposé les armes après l'accord de paix de 2016.

Aujourd'hui, à 62 ans, il vit dans un des "camps de réintégration", une vingtaine au total, installés à travers le pays pour accueillir les anciens rebelles.

Ici, dans la province de Tolima, il a enfin "sa maison".

Pourtant, il ne cache pas son inquiétude avant le second tour de l'élection présidentielle, dimanche. Le favori du scrutin, le candidat de droite Ivan Duque, a promis de revoir l'accord de paix qu'il juge trop favorable aux anciens guérilleros marxistes.

Avec son parti, le Centre démocratique, Ivan Duque veut notamment revenir sur l'amnistie accordée aux chefs des Farc qui ont commis des crimes et veut les empêcher de participer à la vie politique tant qu'ils n'auront pas été jugés.

"LA DROITE NE PEUT DÉTRUIRE L'ACCORD"

La guerre civile colombienne a fait plus de 220.000 morts et des millions de déplacés en cinquante ans.

Les rebelles démobilisés, à commencer par leur chef Rodrigo Londono, connu sous le nom de guerre de "Timochenko", affirment que Duque ne pourra pas toucher à l'accord, qui a été confirmé par la cour suprême du pays.

"Nous sommes parvenus à un accord qui a mis fin à la guerre", a déclaré à Reuters "Timochenko", 59 ans, interrogé dans un camp près de la frontière de l'Equateur. "La droite peut menacer cet accord, elle ne peut pas le détruire."

Duque, a poursuivi l'ex-dirigeant rebelle qui se veut optimiste, cherche actuellement à "saboter" l'accord de 2016 mais il pourrait très bien changer de discours une fois élu.

L'accord de 2016 a valu le prix Nobel de la paix au président colombien sortant, Juan Manuel Santos, qui ne pouvait pas se représenter cette année.

Il a permis aux anciens rebelles de créer un parti politique, la Force alternative révolutionnaire commune, qui conserve l'acronyme de leur ancien groupe armé. Aux termes de l'accord de paix, la Farc est assurée d'avoir dix élus au Congrès pendant huit ans.

Ivan Duque, 41 ans, est un protégé de l'ancien président Alvaro Uribe, partisan d'une ligne dure vis-à-vis des rebelles. Pour lui, il est inadmissible que des "criminels" votent des lois au Congrès après avoir pendant des années pratiqué l'enlèvement, l'extorsion de fonds et le crime.

"PAIX ET JUSTICE"

Pour les anciens des Farc, une telle position menace la mise en place de l'accord de paix et pourrait rejeter des ex-guérilleros dans l'illégalité, notamment dans le trafic de drogue.

Face à Duque, le candidat de la gauche radicale Gustavo Petro, 58 ans, que les sondages donnent largement perdant, a reconnu les "insuffisances" de l'accord de paix mais a promis de ne pas y toucher.

L'atroce guerre civile a alimenté la colère et la haine pendant tant d'années que le processus de paix a été un chemin long et difficile. Un premier accord avait été rejeté par référendum en 2016, puis une version modifiée approuvée par le Congrès.

Soucieux de préserver la paix, des électeurs centristes se résignent à voter pour Gustavo Petro, 58 ans, même s'ils s'opposent à son programme, notamment pour tout ce qui touche la redistribution des terres.

Ivan Duque, de son côté, a cherché ces derniers temps à rassurer. "Il n'est pas question de détruire l'accord mais seulement de le modifier", a-t-il dit à Reuters. "Il s'agit de garantir la paix mais aussi la justice."

Au premier tour de la présidentielle, le 27 mai, Duque est arrivé en tête avec 39% des suffrages, devant Petro avec 25% des voix. Les sondages pour le second tour donnent à Duque une avance de près de vingt points sur son rival.

(Guy Kerivel pour le service français)

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