Comment Donald Trump a conquis les investisseurs
Depuis son élection en novembre 2016, le président républicain a renforcé la domination américaine sur les marchés financiers. Les investisseurs se ruent sur les actifs américains. Mais sa politique agressive n'est pas sans risque.
Par Pierrick Fay
« Make America great again ». Ce n'était peut-être pas l'objectif premier du slogan de campagne de Donald Trump, mais depuis son élection, le 45e président des Etats-Unis a contribué à refaire de l'Amérique le champion toute catégorie sur les marchés financiers.
Depuis son élection fin 2016, l'indice S&P 500 a progressé de 32,7 %, presque trois fois plus vite que les Bourses de la zone euro (+11,33 %) et que celles des émergents (+13,4 %). Seul le Japon tient à peu près la distance (+29,2 %). Et depuis le début de l'année, l'écart est encore plus frappant avec une hausse de 6,14 % pour le S&P 500 contre une baisse de près de 4 % pour l'Euro STOXX et de près de 12 % pour le MSCI EM…
Les exemples high tech et banques
La suprématie américaine est particulièrement nette sur deux secteurs : la high tech d'abord. Un temps concurrencé par la montée en puissance des stars chinoise de l'Internet (Baidu, Tencent, Alibaba), les valeurs de la Silicon Valley ont repris leurs distances, à l'image d'Apple, qui a franchi le cap des 1.000 milliards de dollars de capitalisation. Bloomberg constate ainsi qu'un ETF qui réplique le Nasdaq 100 (Invesco QQQ Trust series) a gagné presque 17 % cette année, quand l'ETF Invesco China Technology a perdu 20 %.
Le secteur bancaire ensuite : les banques américaines ont bondi de 51 % depuis l'élection de Trump, sur la promesse notamment d'une déréglementation et grâce à la hausse des taux, quand les banques européennes ne gagnent que 4 %.
Victoire pour Trump
Le dollar a aussi redressé la tête pour revenir au-dessus de son niveau d'avant crise face à un panier de devise. Et les emprunts d'Etat américains offrent aujourd'hui un rendement suffisamment attractif pour les investisseurs (2,86 % à 10 ans) sans que le resserrement monétaire de la Fed (sept hausses des taux depuis fin 2015) ne vienne peser sur le crédit.
La performance des actifs américains constitue une première victoire pour le président américain. Sa politique budgétaire et fiscale a permis de relancer la croissance américaine, quand la zone euro et la Japon ont déçu au premier semestre. « Donald Trump a hérité fin 2016 d'une économie américaine dans un ciel bleu. La croissance était solide et il a rajouté une relance budgétaire assez importante, qui a profité aux bénéfices des entreprises et à l'investissement », reconnaît Frédéric Rollin chez Pictet AM.
Et cela se voit sur la confiance des entreprises. Selon BlackRock, près de 80 % des entreprises du MSCI USA ont rehaussé leurs prévisions pour 2018, contre 63 % en moyenne depuis la fin de la crise financière. Une confiance partagée par les gérants sondés en août par Bank of America Merrill Lynch. Ils sont en effet 67 % (en net, c'est-à-dire la différence entre ceux qui sont positifs et ceux qui sont négatifs) à penser que les perspectives de profits d'America Inc sont favorables, un record depuis 17 ans.
Selon Barclays, Wall Street a été le seul, parmi les marchés importants, à avoir enregistré des flux significatifs sur les actions depuis début juillet (10 milliards nets sur un mois, contre 6 milliards de retraits pour l'Europe et 3,2 milliards pour les marchés émergents).
Mais la surperformance des Etats-Unis est aussi une conséquence de la politique internationale de Donald Trump, et notamment des sanctions commerciales qui touchent de plus en plus de pays. En augmentant les incertitudes et en réveillant l'aversion pour le risque, Donald Trump a poussé de nombreux investisseurs à se réfugier sur les actifs américains.
« Le dollar a retrouvé sa qualité de valeur refuge car les investisseurs trouvent du rendement sur les obligations américaines », souligne Frédéric Rollin. Les taux à deux ans offrent un rendement de 2,61 %, au plus haut depuis juin 2008. Selon l'IIF (Institute of International Finance), les gérants de fonds ont porté leur allocation sur les actions et obligations américaines quasiment à leur plus haut niveau depuis l'élection présidentielle de 2016. Le sondage de BofA ML montre aussi que la surpondération des actions américaines dans les fonds atteint son niveau le plus élevé (+19 %) depuis janvier 2015, faisant des Etats-Unis, à leurs yeux, la région la plus favorable pour investir, pour la première fois depuis 5 ans.
Le jeu n'est pas sans risque, à terme, sur la croissance mondiale - comme en témoigne la chute des devises émergentes -, sur l'inflation ou sur la confiance des acteurs économiques, même si pour l'instant Frédéric Rollin juge « peu probable le risque d'une récession. Cela va sans doute créer un ralentissement, mais les économies américaine et mondiale sont quand même solides. Au niveau actuel, la hausse des tarifs douaniers ne suffira pas à faire dérailler l'économie mondiale ».
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Reste aussi à savoir si cette politique sera suffisante pour gagner les élections de mi-mandat aux Etats-Unis. Les supporters de Trump pourraient en effet être beaucoup plus sensibles aux conséquences de la hausse du pétrole ou de l'inflation importée - liée à la hausse des tarifs douaniers - qu'aux records de Wall Street.
À noter
Selon le sondage de BofA ML réalisé entre le 3 et le 9 août, une guerre commerciale est considérée par 57 % des sondés comme le principal risque majeur pour les marchés, et ce pour le troisième mois de suite.
Pierrick Fay