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Halte au pillage fiscal

Editorial. Alors que les « CumEx Files » ont mis en lumière la manière dont plusieurs milliards d’euros d’impôts sur les dividendes échappent chaque année au fisc français,  il serait temps que le gouvernement mette fin à ce type d’optimisation fiscale.

Publié le 20 octobre 2018 à 10h46, modifié le 20 octobre 2018 à 10h46 Temps de Lecture 2 min.

Editorial du « Monde ». Décidément, la créativité de la finance n’a pas de limite – pas même celle de la loi. Le détournement de 55 milliards d’euros d’impôts au détriment de plusieurs pays européens par une poignée de tradeurs indélicats, avec la complicité d’avocats et de grandes banques, jette, de nouveau, une lumière crue sur la capacité du système financier à spolier l’Etat de l’argent public.

Le scandale dont Le Monde a publié les détails, jeudi 18 octobre, dévoile des pratiques d’évasion fiscale d’une ampleur inédite. Une faille de la loi, permettant de réclamer indûment le remboursement de taxes sur les dividendes versés par les entreprises à leurs actionnaires domiciliés à l’étranger, est à l’origine de l’escroquerie.

Le principe reposait sur une sorte de gigantesque bonneteau. Les titres des entreprises concernées faisaient l’objet de transactions à grande vitesse, de telle sorte que les actionnaires parvenaient à se faire rembourser les taxes sur les dividendes plusieurs fois, au vu et au su des services fiscaux.

En l’espace de sept ans, entre 7 et 12 milliards d’euros ont été ainsi extorqués au fisc allemand. Les contribuables danois, autrichiens, suisses, norvégiens et belges ont été également victimes de l’arnaque, qui n’aurait pas été possible sans la participation d’une cinquantaine de banques, dont BNP Paribas et Société générale. La France, en revanche, a échappé au stratagème, grâce à une modification en 2005 de la loi sur les avoirs fiscaux.

Plus que le coût annuel du plan pauvreté

Le montage est d’autant plus scandaleux qu’il a pris son rythme de croisière en pleine crise financière, lorsque les Etats européens se sont portés au secours des banques à court de liquidités en injectant ou en leur prêtant massivement des capitaux. Pendant que les déficits budgétaires explosaient pour déboucher sur la crise de la zone euro, ces financiers sans scrupules détournaient massivement l’argent public à leur propre profit.

Les pouvoirs publics allemands ont mis fin à ces pratiques frauduleuses en 2012, tandis que les procédures judiciaires contre les auteurs se poursuivent. Ces révélations sont toutefois l’occasion de rappeler que ce procédé n’est en fait qu’une dérive de l’arbitrage de dividendes – le « div-arb » dans le jargon financier –, un autre mécanisme tout aussi contestable, même s’il reste légal dans nombre de pays.

Une enquête du site ProPublica en 2016 avait estimé que, chaque année, plus de 100 milliards de dollars investis en actions passent sous le nez du fisc. En France, la pratique occasionne un manque à gagner de 3 milliards d’euros, soit plus que le coût annuel du plan pauvreté qui vient d’être annoncé.

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Il serait temps que le gouvernement, dans la situation budgétaire contrainte qui est la sienne, mette fin à ce type d’optimisation fiscale. L’argument selon lequel une telle décision écornerait l’attractivité de la place de Paris ne tient pas : Francfort et New York y ont remédié sans susciter d’émotion particulière parmi les investisseurs. Il suffirait de remettre en cause certaines conventions fiscales avec des pays tiers pour en finir avec ces échappatoires.

A l’heure où l’illibéralisme gagne du terrain, l’argent public est un bien trop précieux pour que les gouvernements ne fassent pas tout ce qui est en leur pouvoir pour récupérer ce qui leur est dû. Il y va de l’équité vis-à-vis des contribuables qui ne cherchent pas à éviter l’impôt. Il y va, plus globalement, du bon fonctionnement de la démocratie.

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