Partager
Retraite

Réforme des retraites : non, les femmes ne seront pas forcément gagnantes

INTERVIEW - Jean-Paul Delevoye, le Haut-commissaire à la réforme des retraites, a présenté jeudi son rapport au gouvernement. Il assure que la fusion de tous les régimes de retraites permettra de créer un système "plus juste" et "plus redistributif". Le décryptage de Philippe Crevel, spécialiste des retraites et directeur du Cercle de l’Epargne.

réagir
L'ASSEMBLÉE FAIT UN GESTE SUR LA CSG, REJETTE LA PROGRESSIVITÉ

Pour Philippe Crevel, spécialiste des retraites et directeur du cercle de l'Epargne, toutes les femmes ne seront pas gagnantes de la future réforme des retraites.

Charles Platiau

Jeudi, le Haut-commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye présentait son rapport au Premier ministre. Après 18 mois document esquisse les contours du futur big bang de l’assurance vieillesse. Il prévoit ainsi de fusionner les 42 régimes de retraites en un seul, et d’instaurer un nouvel "âge d’équilibre" de la retraite à 64 ans.

Pour le gouvernement, le rapport Delevoye doit servir de base de travail à un projet de loi qui doit être présentée d’ici à fin 2019. Le Haut-commissaire promet que le régime universel en préparation sera "plus redistributif" et "plus juste", en particulier pour les femmes. De son côté, Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’Epargne et spécialiste des retraites, nuance légèrement ces promesses.

Challenges - Connaît-on les gagnants et les perdants de la future réforme des retraites ?

Philippe Crevel - Il faut être prudent : les retraites se calculent en fonction de chaque situation individuelle. Il est donc très difficile d’apprécier qui en seront les gagnants des perdants. Néanmoins, on peut déjà penser que les cadres supérieurs touchant plus de 10.000 euros bruts mensuels vont être pénalisés. Au-delà de ce montant, ces actifs continueront à cotiser sans pouvoir se constituer de nouveaux droits. Jean-Paul Delevoye justifie ce choix par une volonté de créer un système de retraite plus "redistributif."

Les fonctionnaires pourraient également faire partie des perdants de la réforme. Notamment les enseignants, qui touchent en général moins de prime que les autres agents. Or, le calcul pourrait prendre en compte dans le calcul des pensions. J’imagine mal la profession, qui rassemble près d’un million de fonctionnaires, ne pas s’emparer de ce sujet d’ici à la présentation du projet de loi en novembre ou décembre prochain.

Qu’en est-il des femmes, dont les pensions sont en moyenne 42 % inférieures à celle des hommes actuellement ?

Le rapport Delevoye préconise de remonter à 1.000 euros le montant minimum des pensions. Or, on sait que ce sont souvent les femmes qui touchent les plus petites rentes, parfois inférieures à 1.000 euros. Ces plus petites retraites pourraient donc augmenter.

Pour bénéficier de ce minimum, il faudra cependant justifier une certaine durée de cotisation. Il s’agit là d’un garde-fou, qui permet d’éviter par exemple qu’un salarié qui ne travaille que quelques années de sa vie en France ne bénéficie d’une pension pleine.

Avec le nouveau système de retraite, il faut aussi comprendre que les pensions ne se calculeront plus en fonction du nombre de trimestres cotisés, mais des points que l’on cumule tout au long de sa vie. Or jusqu’ici, la naissance d’enfants permettaient à leurs mères de bénéficier de trimestres supplémentaires. L’ancien système permettait à certaines femmes de partir plus tôt en retraite, en contrepartie de l’incidence des enfants sur leur vie professionnelle. Le nouveau régime universel pourrait donc jouer en leur défaveur à ce niveau là, contrairement à ce qu’explique Jean-Paul Delevoye.

Que pensez-vous de l’âge d’équilibre à 64 ans que préconise le rapport ?

Le départ en retraite à 62 ans était de toute façon une illusion. La proposition d’instaurer un âge d’équilibre à 64 ans ne fait que confirmer les décotes qui existent déjà pour le régime de base. Mais pour les personnes ayant commencé à travailler avant l’âge de 20 ans, l’âge-pivot pourrait avoir un vrai impact. Il pourrait en effet les condamner à devoir poursuivre leur carrière jusqu’à 62 ans. Or l’employabilité des seniors va être l’un des enjeux majeurs de la réforme. Il existe aujourd’hui un consensus entre les employés qui souhaitent partir à 62 ans, et les employeurs qui ne souhaitent pas forcément les garder plus longtemps.

Jusqu’ici, l’opinion publique était favorable à la réforme des retraites, car elle adhérait à l’idée d’un régime où les cotisations de chacun donnent accès aux mêmes droits. Mais le sujet de l’âge de départ prend aujourd’hui de plus en plus de place dans le débat. Aujourd’hui, une majorité de Français est très défavorable à un report de l’âge de la retraite. La France Insoumise et le Rassemblement national militent pour le retour à une retraite à 60 ans, et ramener les discussions sur ce terrain va donc sûrement les intéresser. Je crois que le gouvernement fait pour l’instant preuve d’énormément de prudence pour amener la réforme, et cherche à trouver des alliés potentiels parmi les partenaires sociaux.

Commenter Commenter

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite TOUT savoir de l’actualité et je veux recevoir chaque alerte

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Entreprise
Politique
Économie
Automobile
Monde
Je ne souhaite plus recevoir de notifications