C’était en janvier, autant dire il y a une éternité. A l’Assemblée nationale, la ministre de la transition écologique et solidaire d’alors, Elisabeth Borne, vient de répondre pendant deux heures aux questions des membres de la commission des affaires économiques sur l’épineux sujet de la filière nucléaire française. Au fond de la salle, une voix s’élève : Michel Delpon, député La République en marche (LRM) de Dordogne, s’apprête à prendre la parole. A peine a-t-il prononcé le mot « hydrogène » que ses collègues s’esclaffent et tapent des mains : le député est un fervent défenseur de cette énergie mais passe encore pour un sympathique iconoclaste. Quelques mois auparavant, le gouvernement s’était chargé d’affaiblir discrètement le début de plan hydrogène de Nicolas Hulot, peu après sa sortie de l’exécutif, en diluant sur trois ans les engagements promis sur douze mois.
Désormais, le ton a changé : raillé et regardé avec méfiance il y a encore peu de temps, ce gaz si léger est désormais présenté comme un pilier majeur de la réindustrialisation et de la relance en France – et comme un outil central pour décarboner l’industrie et le transport. Voire comme le nouveau pétrole. « L’hydrogène comme énergie de la France, voilà un projet qui apparaissait il y a peu de temps comme une promesse lointaine », reconnaissait début septembre la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili. « C’est un pari extrêmement audacieux », se réjouissait à ses côtés Bruno Le Maire, le ministre de l’économie, lors de la présentation du plan français, début septembre. Et pour cause : là où le plan Hulot prévoyait timidement 100 millions d’euros, la France souhaite maintenant investir 7,2 milliards sur dix ans, dont 2 milliards dans les deux prochaines années, dans le cadre du plan de relance. Tour d’horizons des quatre questions majeures à se poser.
1. Pourquoi la France se tourne-t-elle vers l’hydrogène ?
Depuis des années, l’hydrogène est utilisé comme composant chimique dans l’industrie. Mais il peut également être vecteur énergétique, mélangé à du gaz ou pour produire directement de l’électricité. Il est aujourd’hui fabriqué à partir de pétrole ou de gaz naturel – il est ainsi qualifié de « gris », et particulièrement polluant. Mais il peut aussi être produit grâce à de l’électricité, à travers une machine appelée électrolyseur. Cette pratique, encore peu répandue aujourd’hui, possède un immense avantage : si la production de l’électricité utilisée n’a pas émis de gaz à effet de serre, on dispose alors d’un vecteur énergétique sans impact sur le réchauffement climatique. L’hydrogène est considéré comme « vert » s’il est produit à partir d’énergies renouvelables, et comme « décarboné » s’il est produit à partir d’énergie nucléaire. Il peut également être produit à partir d’énergies fossiles adossées à un système de stockage de carbone – on le qualifie alors de « bleu ».
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