Partager
Immobilier

Travailler près de la mer : la grande migration des salariés et entreprises s'accélère

Après les confinements de 2020 et la mise en place, pour les plus chanceux, du télétravail au vert, voici venu le temps des implantations permanentes. Les travailleurs quittent Paris, achètent des logements dans les villes moyennes ou dans les métropoles proches de la mer. Tout comme les entreprises.

1 réaction
Des promeneurs sur la plage de Villeneuve-les-Maquelone, près de Montpellier, le 16 mai 2020

Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à transférer leurs activités dans des villes comme Rennes, Nantes, Marseille et Montpellier. Ici, des promeneurs sur la plage de Villeneuve-les-Maquelone, près de Montpellier, le 16 mai 2020.

AFP - Sylvain THOMAS

Les habitants de la capitale cherchent dans les métropoles, et ceux des métropoles glissent insensiblement vers les villes moyennes. Les jeunes, surtout, cherchent un environnement moins contraignant, moins violent et plus proche de la verdure. Depuis quelques mois, des sites immobilier comme Seloger ont enregistré des hausses phénoménales des consultations et des recherches dans plusieurs régions, émanant plutôt d’un public parisien. Et si ce mouvement vient de Parisiens (ou plus exactement de Franciliens), c’est parce quece  sont eux qui sont les plus "tertiarisés" (employés de bureaux, cadres, consultants et indépendants) et donc les plus adaptés au télétravail. Ainsi, selon le think tank Forum Vies Mobiles, 60% de la population d’Île-de-France a la possibilité de télétravailler, contre seulement 33% des professionnels sur l’ensemble du territoire.

Boom des bureaux en régions

Si les populations se déplacent petit à petit du centre vers la périphérie, c’est toute l’activité qui suit. Et donc, forcément, les entreprises. Alors que les bureaux en périphérie de Paris se vident, ceux situés dans les grandes villes de régions font le plein. "Sur les dix dernières années, la moyenne des transactions de bureaux en région parisienne s'établit à un peu moins de 2,3 millions de mètres carrés. Alors qu’en régions, dans le même temps, leur volume a augmenté de près de 40%. Et ça s’est fortement accéléré depuis 2016", observe Jean-Laurent de La Prade, Directeur Général Adjoint de BNP Paribas Real Estate Transaction en charge du pôle régions.

Lire aussiRegain d'activité immobilière dans les villes moyennes

Les derniers chiffres semblent confirmer cette tendance. "Les volumes des transactions en régions, au 1er semestre de cette année sont en hausse de 35% par rapport au 1er semestre de l’année dernière, pour atteindre 730.000 m², pointe Jean-Laurent de la Prade. Bien sûr, les très grandes villes, comme Lyon, Lille et Marseille, concentrent les mouvements, mais on note la montée de villes intermédiaires comme Nantes, où les transactions ont atteint le record de 67.000 m², en hausse de 74%. Et Montpellier, où elles ont crû, d’une année sur l’autre, de… 200%." Des exemples? Il y en a plein, avec des petites entreprises comme Fortiche Production qui a fêté cette semaine le transfert de ses activités de Paris à Montpellier, ou des grandes sociétés comme la Licorne Doctolib, qui a, elle aussi, quitté Paris pour s'implanter à Nantes. Les salariés, à chaque fois, ont suivi, "avec, il faut l'avouer, plus d'entrain que s'il y avait eu le mouvement inverse...", observe un conseil de plusieurs opérations de ce genre.

Migration accélérée

Cette croissance du marché tertiaire touche précisément les métropoles qui attirent le plus les ménages français à la recherche d’un logement. Au point qu’on se demande qui a déclenché le mouvement: les travailleurs disponibles ou l’emploi proposé? C’est un peu la poule et l’œuf… Mais c’est une réalité, qu’a cherché à mesurer LinkedIn, le réseau social professionnel. Pour évaluer le phénomène, ses économistes ont comparé le nombre de membres qui ont modifié leur ville de résidence sur leur profil. Ils ont noté un pic en septembre 2020 (+126% par rapport à la moyenne sur la période pré-pandémie), avec un nombre de départs bien supérieur aux déménagements habituels du début de l’année scolaire.

Lire aussiRetour au bureau, télétravail... Les DRH s'arrachent les cheveux pour la rentrée

La tendance s'est confirmée début 2021, avec un taux de migration interne 38% supérieur aux 5 premiers mois de 2020. C’est particulièrement sensible en Île-de-France, où le poids de l’immobilier handicape à la fois les travailleurs au niveau personnel et les entreprises pour leurs bureaux. "Pour les entreprises, le poste immobilier est la deuxième charge après les salaires. Et face à un loyer de 800 euros/m²/an à Paris, on peut trouver des bureaux top à Lyon pour 340", analyse Jean-Laurent de La Prade. Et pour les salariés, c'est exactement pareil: à 4.000 euros/m², ils peuvent acheter un logement confortable au cœur d’Angers. Alors qu’en région parisienne, pour 4000 euros/m², ils savent qu'il leur faudra s'éloigner du centre et prendre le RER.

Logement-RER ou en cœur de ville?

C’est tout un équilibre qu’il faut retrouver "entre la dimension économique liée aux prix de l’immobilier, la qualité de vie des travailleurs du secteur tertiaire et la question du lien social que le télétravail risque de distendre", analyse Frédéric Miquel, directeur général du groupe Kardham, une société qui a aidé, entre autres, Orange à aménager les bureaux de son nouveau siège d’Issy-les-Moulineaux. Conséquence concrète, "des entreprises commencent à cartographier les envies résidentielles des salariés pour construire leur stratégie d’im­plantation future". Cette cartographie dessine un mouvement qui va de la région parisienne vers les métropoles et, dans une moindre mesure, des métropoles vers des villes moyennes.

La translation n’a pas échappé à ces territoires, qui, ces derniers mois, ont multiplié, à la faveur de la crise sanitaire, les campagnes de marketing dans les stations du métro parisien. L'Orne, le Cher ont couvert d'affiches les couloirs du métro, insistant sur la facilité de vivre qu'elles offraient à des Parisiens stressés. A Orthez (Pyrénées-Atlantiques), la mairie offrait un pack de bienvenue à certaines professions, avec entrées gratuites à la piscine et à des spectacles et même remise d'un panier de produits locaux! Les territoires se mettent en quatre pour attirer ces travailleurs. Et n'hésitent pas à casser leur tirelire pour le faire savoir. La Sarthe, par exemple, aurait dépensé l'an dernier 120.000 euros pour sa campagne d'affichage dans le métro.

Direction, la Mer...

Pour que ça fonctionne, il faut cependant, prévient encore le groupe Kardham, que ces territoires apportent aussi une "performance des mobilités et de la qualité des interconnexions... Les gares, tout particu­lièrement, vont devenir des nœuds de croisement stratégiques." Retour à LinkedIn et à ses économistes pour en savoir plus: ils ont bien sûr regardé d’où partaient et où atterrissaient les membres ayant changé leur profil. Et là, c’est (à peine) une surprise. Ceux qui partent viennent majoritairement de Paris (baisse de 17% sur les profils) pour aller vers… la mer. Avec en tête Marseille, puis Montpellier et Rennes. Ok, Rennes n’est pas tout à fait un grand port transatlantique, mais la ville est à moins d’une heure d’une des plus belles côtes du monde, foi de Breton! Montpellier et Rennes figurent d’ailleurs régulièrement dans les palmarès des villes les plus attractives, et elles sont aussi les plus faciles à vivre, avec tout à portée: écoles, espaces verts, loisirs travail.


Performance des mobilités et qualité des interconnexions… A ce jeu, la campagne attire forcément un peu moins. Mais le nombre des transactions y a quand même bondi de 6,6% l’an dernier. C’est la plus importante augmentation depuis 30 ans note la Safer, la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural. Elle y voit aussi l’effet de l’arrivée de ces fameux "Parisiens", parfois critiqués pour faire monter les prix. On ne peut pas le nier car, si les volumes (111.930 transactions) sont en hausse de 6,6%, le montant total des achats, lui, a fait un bond de 12,1%. "Je pense que cet exode inversé par rapport à ce qu'on a connu ces dernières dizaines d'années va être durable", prédisait, avant l’été, le président de la Fédération nationale des Safer, Emmanuel Hyest.

1 réaction 1 réaction

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite TOUT savoir de l’actualité et je veux recevoir chaque alerte

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Entreprise
Politique
Économie
Automobile
Monde
Je ne souhaite plus recevoir de notifications