« Ces atteintes répétées à la liberté de la presse et à l’indépendance des rédactions constituent une menace sans précédent pour la démocratie. » Ces mots tranchants, qu’on croirait destinés à dénoncer la situation d’un lointain pays autoritaire, caractérisent, selon Reporters sans frontières (RSF), la façon dont Vincent Bolloré appréhende l’information.
Dans un documentaire de 15 minutes intitulé « Le système B. L’information selon Bolloré », diffusé à partir de jeudi 14 octobre sur les réseaux sociaux, Patrick Cohen, Pascale Clark, Valentine Desjeunes, entre autres, racontent comment, en 2015, i-Télé a été domptée à la suite de son rachat par l’industriel – un scénario qui est en train de se répéter chez Europe 1.
« C’est quelqu’un qui règne par la terreur », décrit Jean-Baptiste Rivoire, ancien rédacteur en chef de l’émission de Canal+ « Spécial Investigation ». Une appréciation confirmée par Jean-Pierre Canet et Nicolas Vescovacci, auteurs du documentaire sur le Crédit mutuel censuré par Vincent Bolloré en 2015. Benoît Collombat (Radio France), Tristan Waleckx (France Télévisions) et Agnès Rousseaux (Basta !) rapportent, eux, les procédures judiciaires destinées à les « faire taire » lorsqu’ils ont voulu enquêter sur les affaires, françaises ou africaines, de l’entrepreneur. En cinq chapitres brefs mais argumentés, la cause est entendue : avec le magnat breton, le débat démocratique court à sa perte.
« Lancer un signal d’alarme »
Pour RSF, plus connu pour ses rapports et ses communiqués, ce genre de film constitue une première. « Il s’agit de lancer un signal d’alarme, mais aussi de formuler des propositions afin que chacun prenne conscience des enjeux », justifie Christophe Deloire, le secrétaire général de l’ONG. La sortie de la vidéo s’accompagne d’une liste de recommandations au gouvernement, au Parlement, à l’Autorité de la concurrence et au Conseil supérieur de l’audiovisuel .
Au régulateur, RSF demande de « faire respecter l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information » dans le groupe Canal+, en « s’affranchissant des interprétations minimalistes » des textes de loi, mais aussi en contrôlant plus sévèrement les chartes et comités d’éthique. La convention de CNews passée avec le CSA devrait être revue, « la chaîne d’info en continu étant devenue une chaîne de débat et d’opinion » ; la loi sur l’audiovisuel, qui date d’avant le numérique, révisée ; les procédures-bâillons, empêchées…
« Le moment est opportun du fait de l’expansion de l’empire Bolloré, mais aussi parce qu’à l’occasion de la campagne présidentielle, le débat public va porter sur le droit à l’information », assure M. Deloire. Reste à savoir qui pourrait prendre position contre celui qui contrôle plusieurs chaînes de télévision, une radio, différentes maisons d’édition, ainsi que pléthore de magazines, et endosser ces préconisations.
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