Frapper fort, soudainement, pour prendre ses adversaires par surprise. Microsoft vient d'appliquer la bonne vieille stratégie du blitzkrieg afin de racheter Activision-Blizzard. L'éditeur de Call of Duty, World of Warcraft, Diablo, Overwatch, Guitar Hero, Starcraft, Tony Hawk ou encore Candy Crush. Une véritable poule aux oeufs d'or. Un mastodonte américain arraché pour près de 69 milliards de dollars, ce qui en fait de loin la plus grande acquisition du secteur. Microsoft avait déjà racheté il y a un an, un très gros éditeur, Bethesda pour 7,5 milliards de dollars. Il avait mis la main à l'époque sur la série de Fall Out, ou Star Trek.
"C’est simple, c'est la guerre nucléaire qui a été déclenchée juge Lévan Sardjevéladzé, président du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV). Microsoft acte qu'il est dans un monde de la guerre des contenus. Et que celui qui l'emportera sera celui qui dispose des meilleurs franchises."
When Candy Crush and CoD become your actual job. Microsoft x Activision Blizzard. 🎮❤️📱https://t.co/nw4cLoaoTB pic.twitter.com/QPGt9DC2jF
— Microsoft (@Microsoft) January 18, 2022
Le Xbox Game Pass dopé
Microsoft poursuit désormais haut et fort sa stratégie débutée de manière plus confidentielle il y a 5 ans. Le constat était simple: les Xbox One ne décollaient pas face à des PlayStation 4 avec beaucoup plus de contenus exclusifs de qualité. Dans le jeu vidéo, la règle d'airain est simple: ce sont les bons jeux qui font vendre les consoles. Ainsi Microsoft a décidé de racheter de nombreux studios afin de fournir en munitions ses machines de guerres numériques. La firme de Redmond voulait dominer le concurrent historique japonais, Sony. Ce qu'il n'a jamais pu faire depuis 2001 et le lancement de Xbox. Mais depuis les temps ont changé.
Microsoft croît, plus que dans la survie des consoles traditionnelles, au cloud gaming. Ce rachat ne doit pas être compris uniquement comme une domination de PlayStation. Microsoft est l'entreprise la plus avancée dans le cloud gaming. Grâce à ses serveurs cloud maison d'Azur, le Xbox Game Pass permet contre une dizaine d'euros, d'accéder en illimité à une grande multitude de jeux, sur le modèle de Netflix avec les films et série. Pour que le modèle puisse fonctionner, il faut nourrir sans cesse le service de jeux qui donnent envie aux joueurs de s'abonner, et d'y rester. Microsoft devance très largement Sony avec ses 25 millions d'abonnés payants à travers le monde pour son service de cloud gaming.
Il faut relire l'interview que le grand patron du jeu vidéo chez Microsoft, Phil Spencer, nous avait accordé il y a 2 ans. "Pour l'industrie du jeu vidéo, le cloud gaming est une chance afin d'amener les jeux aux 2,5 milliards de joueurs dans le monde, quel que soit leur moyen d'y jouer. Beaucoup jouent sur smartphones aujourd'hui. Mais ce que vous voyez dans le jeu mobile aujourd'hui, comme en Chine ou sur des marchés établis, c'est que les gens ne jouent pas seulement à Candy Crush, Angry Birds ou Minecraft mais ressemblent réellement à des jeux triple A que vous avez l'habitude de retrouver sur consoles avec une réelle immersion. Avec le cloud gaming, cela nous permettra d'apporter plus de diversité à ces plateformes."
Structuration et métavers
Le secteur du jeu vidéo fait tourner les têtes. Avec des valorisations qui s'envolent alors que le cabinet spécialisé Newzoo table sur une croissance de 8,7% du marché pour atteindre 218,7 milliards de dollars en 2024. Les opérations de rachat s'enchaînent après le rachat par Take-Two (GTA et Read Dead Redemption) il y a une semaine à peine de l'éditeur de jeux mobile Zynga pour 12 milliards de dollars.
"La consolidation du jeu vidéo s’accélère confirme Charles-Louis Planade, analyste chez TP Icap. Le contenu sera le clé pour chaque entreprise du secteur. Le meilleur moyen d’en avoir ce n'est pas de partir de zéro mais d'en racheter."
Ce cocktail explosif est saupoudré de la hype métavers, initiée à l'automne par Facebook. Dans cet univers, encore très flou entre réalité augmentée et réalité virtuelle, les Gafa misent sur les techniques et les codes du jeu vidéo pour séduire une population encore circonspecte des avantages offerts. "Microsoft met un énorme coup de pied dans la fourmilière ajoute Charles-Louis Planade. Le message, c’est que ceux qui n’ont pas de studios comme Google, Netflix ou Amazon, vont devoir réagir très vite et très fort pour ne pas se retrouver loin derrière." Nul doute que les rachats et la structuration du secteur va se poursuivre. L'action du français Ubisoft augmentait sensiblement suite à cette annonce. Elle constitue une cible de choix pour les grands acteurs du secteur.
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