Le logo d'EDF, dont le capital avait été ouvert en 2005 et que le gouvernement veut renationaliser

Le logo d'EDF, dont le capital avait été ouvert en 2005 et que le gouvernement veut renationaliser

afp.com/DENIS CHARLET

C'était un recours gracieux, c'est désormais un contentieux porté devant le Conseil d'Etat. Mardi 9 août dans la soirée, EDF a fait savoir qu'il a déposé un recours auprès du Conseil d'Etat ainsi qu'une demande indemnitaire pour un montant de 8,34 milliards d'euros auprès de l'Etat. L'électricien public, toujours furieux après la mise en place du bouclier tarifaire en janvier dernier, qui l'a obligé à davantage de production nucléaire à ses concurrents, réclame donc réparation. "A la suite de l'annonce par le gouvernement français, le 13 janvier 2022, d'une attribution complémentaire de 20 TWh d'électricité vendue à prix réglementé pour 2022, EDF avait annoncé examiner toute mesure de nature à protéger ses intérêts", explique dans un communiqué le groupe public.

Publicité

Dans les faits, EDF avait déjà déposé le 12 mai dernier un recours gracieux auprès de l'Etat français pour suspendre la décision. Et pour cause, avec ce déplafonnement de l'ARENH et n'ayant pas d'ailleurs de marge sur sa propre production notamment eu égard à la faible disponibilité de son parc nucléaire, le groupe public est obligé d'acheter 20 térawattheures supplémentaires et au prix fort sur les marchés de gros avant de la revendre à ses concurrents. De quoi grever sévèrement les finances de l'électricien, déjà lourdement endetté, qui estime la charge à 8,34 milliards d'euros pour son compte de résultat.

LIRE AUSSI : EDF à la recherche du mouton à cinq pattes pour succéder à Jean-Bernard Lévy

Sollicité par L'Express, Bercy explique prendre "note du recours déposé par EDF", ajoutant ne pas être surpris par le recours devant le Conseil d'Etat. "Ce recours et cette demande indemnitaire (...) s'inscrit dans la continuité des actions déjà engagées par l'entreprise contre ce dispositif. Pour mémoire, EDF avait déposé un recours gracieux auprès du gouvernement demandant l'annulation du dispositif. L'Etat n'y a pas donné suite."

L'étatisation pas remise en cause

Attendue, cette procédure est sinon inédite au moins extrêmement rare entre une entreprise et son actionnaire majoritaire. Elle témoigne de la dégradation continue des relations entre Bercy et l'entreprise publique ces derniers mois. Une partie de la direction de l'entreprise, ses syndicats mais aussi ses salariés estimant que l'Etat actionnaire n'a pas défendu les intérêts de l'entreprise publique. "En interne, cette décision a provoqué un vrai traumatisme. Cela a été vécu comme une trahison", souffle une source syndicale.

Autant dire que l'Etat, qui détient déjà 84% d'EDF et compte monter jusqu'à 100% en septembre, au travers d'une offre publique d'achat qui sera déposée en septembre, va devoir cravacher pour rebâtir la confiance avec le corps social de l'entreprise. Pour autant, Bercy explique que la procédure ne modifie "en rien le principe, les modalités et le calendrier de l'offre publique d'achat simplifiée que l'Etat a annoncée le 19 juillet au prix de 12 euros par action EDF".

LIRE AUSSI : Nationalisation d'EDF : les syndicats craignent le pire

Sur le fond, l'Etat actionnaire assume la décision prise en janvier dernier. "Ce dispositif a permis, avec l'ensemble des mesures du bouclier tarifaire, de réduire significativement la facture de tous les consommateurs français et, notamment, de limiter à hauteur de +4% en moyenne la hausse des factures des ménages ces derniers mois, alors que nos voisins européens connaissent des explosions de leur facture énergétique". "Sans ces mesures, en particulier le volume d'ARENH supplémentaire, les factures des ménages auraient augmenté de 35% TTC", explique encore l'Etat actionnaire.

Qu'en diront les juges du Conseil d'Etat ? Le 5 mai dernier, saisi en référé par des syndicats d'EDF et certains de ses actionnaires minoritaires, le juge des référés avait rejeté la demande de suspension, jugeant que "ni l'instruction ni l'audience" n'avaient "permis de démontrer que cette mesure créait une situation d'urgence pour les intérêts financiers d'EDF, les conditions d'emploi de ses salariés ou les intérêts patrimoniaux de ses actionnaires salariés". La mesure présentant un intérêt public selon le Conseil d'Etat. Une position réitérée en juillet par le Conseil d'Etat lors de son avis sur le projet de loi pouvoir d'achat qui contient cette mesure.

Publicité